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50/50 - Le maître de musique de Gérard Corbiau

Publié le 08/04/2021 / Catégorie: Dossier

En juin 2017,  la Fédération Wallonie-Bruxelles organisait l'Opération "50/50, Cinquante ans de cinéma belge, Cinquante ans de découvertes" qui mettait à l’honneur 50 films marquants de l’histoire du cinéma belge francophone. Ces films sont ressortis en salle pendant toute une année et de nombreux entretiens ont été réalisés avec leurs auteurs. Le site internet qui se consacrait à cette grande opération n'étant plus en activité, Cinergie.be a la joie de pouvoir aujourd'hui proposer et conserver tous ces entretiens passionnants où une grande partie de la mémoire du cinéma belge se donne à lire.

 

En 1968, Gérard Corbiau commence sa carrière de réalisateur à la RTBF où il signe plus de cinquante reportages pour diverses émissions de la chaîne. À partir de 1980, il réalise des téléfilms sur la musique dans le cadre du service Musique-Opéra-Ballet de la RTBF. Il réalise aussi deux contes musicaux. Ceux-ci sont remarqués par des critiques de télévision qui lui décernent l'Antenne de Cristal pour Sax (1981) et À la recherche de S (1983). Le Maître de Musique est son premier film pour le cinéma. Vient ensuite L'Année de l'éveil en 1990, d'après l'œuvre de Charles Juliet et Farinelli en 1994 récompensé par le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère.

50/50 - Le maître de musique de Gérard Corbiau

Philippe Manche : Dans quelles circonstances l’art lyrique et la musique classique font-ils leur entrée dans votre vie ?

Gérard Corbiau : J’y suis arrivé sur le tard parce que, tout un temps, j’étais surtout passionné de jazz. La musique classique me faisait penser à une musique de classe, d’une certaine catégorie de gens et je suis tombé dedans vers quarante ans quand j’ai commencé à m’y intéresser à la télévision et à faire des programmes pour le service musique de la RTBF. Ma passion pour l’opéra a coïncidé avec l’arrivée de Gérard Mortier à La Monnaie et j’ai fait quelques films pour lui avec la RTBF. Tout ça m’a passionné parce que les choses étaient nouvelles pour moi.

 

P.M. : Quel a été le déclic pour passer à la réalisation de ce premier long métrage qu’est Le maître de musique ? Votre rencontre et votre amitié avec José van Dam ?

G.C. : Oui bien sûr, il y a José et ça a été une merveille quand il a donné son accord pour le projet, mais ce n’était pas que ça. J’étais réalisateur à la télévision, mais toujours passionné de cinéma. Je ne voulais pas, plus tard, avoir le regret de ne pas, au moins, avoir essayé de faire un premier film. J’avais fait mes études de cinéma et de réalisation à l’IAD et je suis rentré à la télévision pour plusieurs raisons, mais d’abord parce que j’étais passionné d’audiovisuel de manière générale. J’ai appris mon métier à la télévision. A un moment donné, on se pose la question d’être fidèle à ce qu’on a toujours voulu faire et ce que j’ai toujours voulu faire depuis que je suis tout petit, c’est faire du cinéma, de la fiction, diriger des films.

 

P.M. : Le maître de musique a été difficile à monter financièrement. Rétrospectivement, comment expliquez-vous ces cinq années où vous partez à la chasse aux producteurs ?

G.C. : A l’époque, faire un film avec un chanteur d’opéra était mal vu. Faire un film sur l’opéra avec un réalisateur de télévision au sein de la Communauté française et des cinéastes en général, ce n’était pas si bien vu que ça. Ça a été les cinq années les plus difficiles de ma vie, parce que faites de refus, d’ignorance, … Ensuite, on oublie, parce que le film a été fait et réussi, je crois. Il a eu du succès dans le monde entier et, tout d’un coup, je suis devenu cinéaste.

 

P.M. : Pourquoi situer le récit du film au début du 20ème siècle ?

G.C. : Pour avoir un certain détachement et un certain recul par rapport à aujourd’hui. Ce n‘est pas une histoire actuelle, c’est une fable. On oublie aussi que la fin du 19ème et le début du 20ème sont une grande période pour l’art lyrique, où l’opéra est un art majeur avant d’être remplacé par le cinéma.

 

P.M. : Une fable, dites-vous, qui a une portée universelle, parce que, si Le maître de musique est aussi articulé autour de chassés-croisés amoureux, il s’agit avant tout d’une histoire de transmission. En quoi cela vous touche-t-il ?

G.C. : C’est le sens même du film. C’est la possibilité de ne pas mourir tout à fait, de ne pas s’éteindre définitivement, d’avoir la possibilité d’être en accord avec les générations nouvelles, de pouvoir donner quelque chose. C’est d’autant plus important pour le chant qui est fugace et tout ça peut se concrétiser dans la transmission et dans le contact avec les plus jeunes.

 

P.M. : Quels sont vos réalisateurs belges francophones préférés ?

G.C. : J’en citerai principalement deux. Bien sûr, mon ami Jaco Van Dormael que je considère comme un de nos plus grands. Et puis, Bouli Lanners dont j’apprécie énormément l’itinéraire, ainsi que la manière dont il se développe et la particularité de ses films.

 

Philippe Manche

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