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Me miss me de Gwendolyn Lootens et Lubnan Alwazny

Publié le 28/09/2020 par Bertrand Gevart / Catégorie: Critique

Avec Me miss me, la réalisatrice Gwendolyn Lootens nous emmène au cœur du combat de Lubnan, un jeune homme originaire d’Irak qui attend dans un centre que sa demande d’asile soit acceptée, un bout de papier qui changera sa vie. Un film qui rend hommage et laisse un espace d’expression à ceux qui sont négligés par la société.

Caméra au poing, Lubnan filme à l’intérieur du centre. Il nous emmène dans son quotidien et filme tout comme une urgence, comme le besoin incessant de fixer sa propre présence, ses propres gestes, de vérifier qu’il est bien vivant, toujours là, en Belgique. On retrouve dans ce geste du « filmeur » l’attrait pour les choses simples, les petits bonheurs du quotidien, ce qui est disponible « sous la main ». Dans sa chambre, il filme en catimini la préparation de la nourriture, ses chaussures, les chambres de ses amis dans le centre ou lorsqu’il coupe ses cheveux. Me miss me s’ouvre sur les premières sensations de Lubnan lorsqu’il est arrivé en Belgique. Avec humour, il nous parle et compare son rapport aux femmes en Irak, se limitant aux appels téléphoniques, à entrevoir une main inaccessible au toucher, et la première fois qu’il vit des femmes occidentales.

Me miss me de Gwendolyn Lootens et Lubnan Alwazny

Ex-militaire pour l’armée de Saddam Hussein, Lubnan a quitté l’Irak pour arriver en Syrie et effectuer la traversée en mer afin de rejoindre la Grèce. Gwendolyne Lootens dresse le portrait original de Lubnan qu’elle consigne en intégrant les temps morts de la longue et difficile attente. Elle témoigne et questionne, déconstruit un imaginaire à propos des migrants. Elle déploie un espace dans lequel Lubnan existe, une identité qu’il a à l’écran, reprenant une visibilité en suivant son quotidien et ses émotions. 

Le film de Gwendolyn Lootens revêt une forme et une approche très libre, où la caméra passe de main en main. La force du film, c’est la simplicité de son dispositif qui donne toute la puissance au récit qui ne triche pas en tombant dans l’esthétisation de l’autre ou dans un pathos ethno centré. Elle parvient à consigner le présent du combat de Lubnan de façon à ce que son vécu arrive par mouvement, par réminiscence, égrené au fil des images. Lubnan passe par un ascenseur émotionnel permanent. Il nous emmène dans un voyage existentiel à travers ses sentiments, ses pensées et ses rêves. La réalisatrice et lui parviennent à transmettre ensemble les longues attentes bureaucratiques pour obtenir ses papiers, ponctuées de rencontres humaines et d’espoir.

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