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Odyssée de la sandale en plastique de Florian Vallée

Publié le 05/12/2022 par Kevin Giraud / Catégorie: Critique

 Au début des années 1940, une nouvelle chaussure va envahir le marché mondial, et marquer de son empreinte le vingtième siècle. Sandak, pieds-nus, sandam, autant de petits sobriquets pour la sandale en plastique. En se concentrant sur l’histoire des marchés du Sénégal, du Togo, de la Côte d’Ivoire et du Congo, le réalisateur Florian Vallée propose une plongée dans l’histoire méconnue de cette chaussure si particulière. Le tout, avec force archives, sélectionnées avec soin.

 

Odyssée de la sandale en plastique de Florian Vallée

Une introduction digne des documentaires américains les plus grandiloquents, pour nous parler cette fois d’une… sandalette. C’est avec cette mise en contexte malicieuse que le cinéaste débute son film, à cheval entre témoignages, infographies et images d’archives.

Dans ce récit aux allures de reportage, Florian Vallée repart des origines de la sandale en plastique, dans la France profonde. Car c'est de là qu'est partie cette odyssée, avant de conquérir plusieurs continents, dont un en particulier sur lequel va se concentrer le film. Entretenant une relation étroite avec ce continent (il y tourne régulièrement), le cinéaste s'est, dirait-on, tourné tout naturellement vers ces régions, où la sandale a connu peut-être sa plus grande histoire. D'accessoire de mode à combattante de la liberté, elle a tour à tour été valorisée ou honnie, enviée ou détestée selon les époques et les régions. Souvent au gré des crises, des conflits ou des indépendances. Quel meilleur fil conducteur dès lors pour raconter une histoire des objets ?

Didactique autant qu'espiègle, la voix off de Maïk Darah (actrice, doubleuse et artiste française bien connue) s'amuse de ces péripéties, avec une pointe d'émerveillement. Comment pourrait-il en être autrement face à cet objet anodin qui a eu tant d'impact ? C'est en tout cas ce que nous révèle, complices de la narratrice, les touches de couleurs qui parcourent les archives à la recherche des fameuses sandaks, sandams, et autres pieds-nus, que l'on retrouve au détour des photographies d'époque et des images du quotidien captées par les caméras locales.

Au-delà de cette fresque des porteuses et des porteurs de sandales, ce film narre aussi le geste des créateurs de cet OVNI chaussant, de la France au Sénégal, en passant par l'Erythrée ou le Togo. Un documentaire qui nous fait découvrir les usines, les moules, les tables à dessin et les plans d'ingénieur pour arriver à un objet fini toujours plus fonctionnel, toujours plus pratique. Et en passant, le cinéaste nous donne à voir la beauté simple de ces chaussures si spéciales, mal aimées et fascinantes à la fois dans nos pays.

À Asmara, capitale de l'Erythrée, une sculpture a été érigée à la mémoire de ces sandales qui ont sauvé l'armée indépendantiste. Un symbole de cette liberté acquise, et la mémoire d'une autosuffisance maîtrisée, autant que de la réappropriation d'un savoir pour qu'il devienne local, utile, pratique. Car à l’heure des considérations écologiques occidentales, du non au plastique, il est aussi intéressant de se rappeler que les contextes, les réalités sont différentes. Au Sénégal aujourd'hui, on produit, répare, recycle la sandale. C’est une chaussure modeste, mais qui a fait ses preuves. Et du dire de ses utilisateurs, il n'y a que peu de doutes : “ La sandale en plastique a trouvé en Afrique sa raison d’être, et son statut d’icône populaire ”. Un statut dont le film rend compte avec de nombreux détails et une belle construction, pour un moment aussi accessible qu'intéressant.

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