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Sur le tournage de la série "Des gens bien"

Publié le 17/08/2021 par Constance Pasquier et David Hainaut / Catégorie: Tournage

Avec "Des gens bien", les créateurs de "La Trêve" ouvrent (encore) une brèche

Dans une Belgique francophone où l'on a longtemps cru impossible de voir une série de qualité reconnue internationalement, Benjamin d'Aoust, Stéphane Bergmans et Matthieu Donck ont bien fait de s'aventurer un peu à contre-courant de l'histoire avec leur Trêve, un succès critique et public vu dans une centaine de pays.  

Six ans après leur petite révolution provoquée dans le paysage, ce trio belge tourne une nouvelle série (Des gens bien) en ouvrant encore une brèche, puisque le Fonds des Séries Belges, créé par la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF en 2013, entre pour la première fois en coproduction avec une chaîne étrangère (Arte). Visite de plateau à Ittre, là où se sont tenues les dernières prises de vues de ces six futurs épisodes de cinquante-deux minutes. 

Amener le cinéma vers le petit écran en continuant à briser la frontière entre les deux univers, susciter une attention du public belge et même des professionnels tout en espérant créer une émulation dans le secteur, telles étaient quelques-unes des utopies qui ont poussé Benjamin d'Aoust, Stéphane Bergmans, et Matthieu Donck à déposer "Sans vraiment y croire!" en 2014, la première version du scénario de La Trêve. À un moment où le dernier des trois nommés, quadragénaire depuis cette année et doté d'une vision - peu commune - dans le milieu, nous confiait : "En sortant de mon école, l'IAD, je croisais souvent de jeunes réalisateurs flamands à qui on confiait tel ou tel épisode de série, vu la richesse du paysage créée là-bas en quelques années. Alors que pour nous, francophones, le court-métrage était à peu près notre seul terreau d'apprentissage. C'était un peu frustrant à vivre..."

Quelques années plus tard, si les ouvertures d'esprit – et indirectement, les améliorations - dans un environnement complexe peuvent sembler lentes aux yeux de certains et certaines dans cette époque en quête d'immédiateté, force est de constater qu'une évolution des mentalités, laborieuse peut-être, suit bien son cours. Et c'est peut-être bien là le principal. La mise en place de cette série en constitue finalement une illustration... 

« On n'a pas tout de suite (re)penser à une série »  

Et puisque notre plateforme couvre les tournages belges depuis de nombreuses années, il nous semblait symbolique d'aborder celui Des gens bien, quitte à écourter la traditionnelle pause-repas des d'Aoust, Bergmans et Donck. Le trio, parfaitement huilé au travail comme ... à la vie (ce sont aussi trois amis), semble depuis longtemps avoir saisi la bonne utilité de notre rôle de passeurs – ce qui n'est pas une norme -, se confiant avec la simplicité qui les caractérise, avec une complicité nous poussant, exceptionnellement, à retranscrire ici leurs propos en «On».


"Une fois les deux saisons de La Trêve derrière nous, on s'est un peu demandé ce qu'on allait faire.", confient-ils. "On a papillonné quelques mois et en mangeant ensemble un midi, on a compris notre excitation à recréer un nouveau projet à trois. Cela n'a pas tout de suite été une série, puisqu'on a pensé à faire trois films différents. L'idée de Des gens bien a alors germé. C'était exactement ce qu'on voulait faire, tout en se réinventant au niveau artistique voire même technique. Le côté excitant d'une série, en plus de notre enrichissement mutuel, c'est qu'entre le moment où on l'écrit et une diffusion qui reste fédératrice, tout est beaucoup plus rapide qu'un film. On a vu tellement de choses au cinéma prendre un temps de préparation, qu'à un moment donné, il y a la peur de perdre l'envie de créer !"

 

Sur le tournage de Des gens biens © Constance Pasquier/Cinergie

Un (petit) marathon de 54 jours 

Un retour immédiat à la série qui se comprend : le format reste en vogue, tous trois ont, dans des conditions budgétaires alors réduites, partagé l'expérience pionnière commune de La Trêve (70 jours pour les dix premiers épisodes, 80 pour les dix suivants) en ayant obtenu une reconnaissance insoupçonnable, tant nationale qu'internationale. Avec des conséquences heureuses cette fois, un tournage plus souple leur étant promis (quatre épisodes de moins, budget - proportionnel - plus confortable, choix facilité pour le casting...), bien qu'il s'agisse d'un marathon de 54 jours, autour d'une quarantaine de personnes et même une deuxième équipe - pour la réalisation de quelques séquences - pendant dix jours.
"C'est presqu'un luxe. Cela dit, c'est le 48e jour, et on est tellement usés qu'on se demande comment on a pu en tenir 80 !"
Vu la période, leur entreprise a hélas coïncidé avec les inondations, qui ont même perturbé les prises de vue. "Des arbres sont tombés sur les câbles électriques et on a dû interrompre le tournage. On pourrait évoquer pas mal de nos péripéties, mais face au chaos qui a régné en Wallonie, que peut représenter la perte d'un décor face à quelqu'un qui a vu sa maison détruite ?" Outre les abords de l'Ourthe et les environs de la Roche-en-Ardenne, la série s'est surtout baladée dans le Brabant Wallon, de Braine-le-Château à Waterloo, en passant par Clabecq, La Hulpe et Ittre, donc.

Une histoire crédible avant tout

Sans en dire trop sur une histoire qui pourrait s'étaler sur trois saisons, le récit central est celui d'un couple formé par Linda, gérante d'un salon de bancs solaires, et Tom, policier. Belges vivant à la frontière française, ces deux trentenaires se retrouvent un jour contraints, pour diverses raisons, à mettre en place une arnaque à l'assurance-vie, elle faisant mine de disparaître, lui récupérant l'argent. "Ce sont des gens qui bossent, mais pas assez pour gagner ce qui leur permettrait d'accéder à tout ce que la société essaie de leur vendre. Dans La Trêve, on a opté pour des saisons indépendantes, en considérant chacune comme un long film. On voit aussi Des gens bien comme un long film, sauf qu'il s'agirait ici d'une première partie. Une suite est donc en effet envisageable. Car en plus de parler de travailleurs de la classe moyenne qui dégringolent, on raconte l'histoire d'enquêteurs, avec des pièces de puzzle à réunir. Mais la règle n°1 qu'on s'est fixée dès l'écriture, c'est d'abord d'être crédibles. L'univers créé ici, on aimerait que les spectateurs y croient profondément. On est peut-être plus fort en Belgique pour le deuxième degré que pour le premier, mais inventer une histoire à laquelle le public croit, c'est moins compliqué que ce qu'on nous a longtemps fait penser !", disent-ils, au beau milieu d'un commissariat construit par la décoratrice magrittée Laurie Colson (Grave, Titane).
"Comme l'histoire se passe à la frontière, on en profite pour jouer un peu sur une mauvaise compréhension entre les polices" (sourire).

Un casting équilibré

La tendance est actuelle et même mondiale : monter un projet autour d'un ou de plusieurs noms connus n'est plus nécessairement un gage de qualité ou de succès, de nos jours. Là aussi, La Trêve l'a démontré. Et si le casting Des gens bien peut compter sur quelques présences notoires (Dominique Pinon, François Damiens...), cette série mettra à nouveau en valeur quelques comédiens.ennes du cru. On songe au duo incarné par Bérangère McNeese ("Notre Linda nous a séduit : elle est formidable!") et Lucas Meister ("On l'a souvent vu au théâtre, et il était dans La Trêve 2"), dénichés avec Michaël Bier, l'un des principaux directeurs de casting du pays.
"L'histoire étant plus explosée, avec différents points de vue, on est moins centré sur un personnage. Il nous fallait donc beaucoup d'acteurs. Et le projet nous paraît assez solide pour ne pas le déséquilibrer avec des visages trop identifiés. On a aussi Peter Van Den Begin, Michaël Abiteboul et India Hair."
Ajoutons au nom de l'acteur flamand - bien connu au nord du pays - et à ceux de ces deux routiniers français les présences de Gwen Berrou (Les Géants), Nicolas Buysse (Jacques a vu) et de quelques «rescapés» de La Trêve, comme Jérémie Zagba, Thierry Janssen ou Marouane Iddoub. Entre autres, donc.

 

Sur le tournage de Des gens bien © Constance Pasquier/Cinergie

Continuer à préparer l'avenir

Quoiqu'il advienne de ce mélange de genre, puisqu'on parle d'un futur polar aux allures de western ayant aussi sa part d'humour (noir), le projet de d'Aoust/Bergmans/Donck table déjà sur un solide vendeur international (Federation Entertainment, chargé notamment de séries comme Le Bureau des Légendes et d'En Thérapie).
"Cela donne forcément une aura en plus. Mais là où on pense que le mouvement de fond se poursuit en Belgique francophone, initié par La Trêve puis par Ennemi Public, c'est qu'il a permis à beaucoup de gens d'apprendre à écrire. On a essuyé des échecs, mais ce n'est rien face à la qualité que ça amènera à l'avenir chez nous, tant au cinéma qu'à la télévision. À terme, le rêve ultime serait de voir dans ce pays les deux industries qui communiquent en s'échangeant des talents..."

Initié - comme La Trêve - par les Bruxellois de Hélicotronc (Julie Esparbes), la Fédération Wallonie-Bruxelles et la RTBF, Des gens bien sera donc la première coproduction européenne du Fonds Séries, Arte intervenant à hauteur de 20% du budget (la chaîne est déjà coproductrice d'une prochaine série flamande ambitieuse, Lost Luggage), ainsi que de la société française Unité (le film Docteur ? la série Mytho...). Avec d'autres fidèles financiers belges de la partie, puisque derrière Tax.Shelter.be, on retrouve Screen Brussels, Proximus et Wallimage.
Dévoilement de ce 6 X 52 au grand public sur la RTBF, en 2022.

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