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Mosaic de Imge et Sine Özbilge

Publié le 16/02/2021 par Malko Douglas Tolley / Catégorie: Critique

Dans la plus ancienne ville du Moyen-Orient, une étudiante kurde, un musicien musulman et une petite fille chrétienne forment les pièces d’une mosaïque culturelle. Lorsque des bruits féroces sonnent l’arrivée de la guerre dans leur ville, un mystérieux poisson surgit pour les sauver.

Mosaic de Imge et Sine Özbilge

Après le succès de #21xoxo en 2020 avec notamment le grand prix du Supernova Digital Animation Festival de Denver, le nouveau court-métrage d’animation d’Imge et Sine Özbilge s’intéresse au vivre ensemble, à la religion et à la guerre au Moyen-Orient dans un récit touchant et humaniste.

L’histoire dépeint une ville de Damas vivante et cosmopolite où se côtoient diverses cultures. Alors que des panneaux pour des enseignes internationales aux slogans accrocheurs comme « Love Yourself » trônent sur les toits de la ville, le cosmopolitisme de la ville transparaît dès le début du court-métrage. Une femme voilée roule en skate-board avec des écouteurs sur les oreilles tandis qu’une femme plus âgée tire une charrette de débris dans une artère moins fréquentée.

Une fois le décor posé, l’attention se concentre sur les principaux protagonistes du film. Le fils d’un musicien musulman qui joue du violon. Une affiche de Nejmi Succari, le célèbre violoniste syrien d’Alep qui fut le disciple du légendaire Léopold Auer, gagnant de la finale du Concours Reine Elisabeth en 1963, est visible en arrière-plan.

Sa voisine de gauche est une jeune étudiante kurde qui possède dans sa collection les livres A modern History of the Kurds de David McDowall ainsi que Who Rules the World ? de Noam Chomsky. Une affiche de Turtles can fly, le film du réalisateur kurde Bahman Ghobadi primé un peu partout dans le monde, est visible dans le décor.

Sa voisine de droite est une petite fille chrétienne et la meilleure amie du petit musicien musulman. L’idée véhiculée durant la première partie de Mosaic promeut l’existence d’une cohabitation pacifique entre les personnes de cultes différents dans cette ville aux religions multiples où le Nazar Boncuk, cet œil porte-bonheur qui protège contre les démons, est visible partout.

Si la trame de l’histoire est simple, les valeurs véhiculées par Mosaic sont puissantes. Le son de l’orgue de l’église se superpose à l’appel de la mosquée qui résonne dans les rues. L’amitié profonde qui co-existe entre les deux enfants dont les cultes sont différents, les rapports d’entraide et de respect mutuel entre leurs parents voisins illustrent cette volonté de montrer le positif et la coexistence pacifique entre les religions.

Mais soudain, un événement survient qui va définitivement changer la quiétude de ces individus à jamais. La corde du violon de l’apprenti musicien se rompt. La musique s’arrête. Un nuage noir se lit dans le ciel.

Avant que l’on ne s’en rende compte, ce petit nuage noir qui planait au-dessus de la ville grandit et se transforme en un démon inarrêtable. Les rues se vident, la musique cesse, la famine arrive, l’isolement devient la norme, la peur s’installe et s’immisce partout. Cette ville qui semblait paisible s’embrase et la guerre fait rage.

L’ennemi fantasmagorique qui symbolise la guerre est digne des créatures fantasmagoriques de Lovecraft. Ce monstre fait de pétrole qui semble incoercible crache des armes aux abords de la ville en suscitant l’intérêt d’hommes d’affaires avides de dollars. La vie et la joie ont laissé place à la destruction et la désolation. Le petit violoniste musulman, la petite fille chrétienne et l’étudiante kurde ne sont plus voisins mais se retrouvent blottis les uns contre les autres dans une rue déserte au milieu des décombres.

Soudain, alors que tout semble perdu, un poisson à trois yeux sortis de nulle part les récupère et les aide à prendre le large. Sur le dos du poisson, ils vont parcourir les mers afin de trouver un nouveau foyer. Des passeports arborant un oiseau en cage apparaissent à l’écran. Le visa est refusé. C’est le noir, le vide, le néant. Soudain, la lumière revient. La vie reprend son cours. Un nouveau refuge a été trouvé.

Le petit garçon musulman rejoue à nouveau de son violon en compagnie de la petite fille chrétienne sous les yeux de l’étudiante kurde et d’un groupe de badauds. Les héros de cette fable sont désormais à Bruxelles, à deux pas du Manneken Pis, avec l’Atomium en toile de fond.

Mosaic est un film humaniste et touchant qui érige la paix entre les peuples, les cultures et les religions en déconstruisant les clichés qui leur sont habituellement attribués. Ce film pacifiste met en garde contre les affres de la guerre, les dérives du commerce des armes et son financement par le pétrole. C’est une ode à la tolérance qui sensibilise à la nécessité de l’asile politique pour les civils qui tentent de fuir des zones de guerre. Il met également au premier plan l’amour entre deux femmes dans des régions où l'homosexualité est criminalisée.

Mosaic a déjà gagné le prix spécial de la sélection européenne de court-métrage du festival du film d’Anger. Il est à l’affiche de nombreux festivals et il a été intégré à la sélection « C’est du belge » du Festival Anima Online 2021.
Il est également en compétition pour le prix de l’Ensor du meilleur court-métrage du secteur de l’audiovisuel flamand.

La page Facebook de Mosaic : https://www.facebook.com/Mosaic2020

La page de Mosaic sur le site d’Anima: https://animafestival.be/fr/programme/competition-nationale/mosaic

Le teaser du film sur VIMÉO : https://vimeo.com/402856449

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